L’erreur que font (presque) tous les praticiens en hypnose avec les enfants

Vous êtes praticien en hypnose, formé à l’hypnose éricksonienne. Vous avez appris à manier le langage permissif, les suggestions indirectes, les métaphores puissantes. Et quand vous pensez à votre pratique, vous vous sentez globalement à l’aise.

Sauf que… dès qu’il s’agit d’enfants, c’est une autre histoire.

Les techniques que vous avez apprises en formation ne “passent” pas toujours.

Les scripts ne collent pas.

La transe ne prend pas.

Les parents sont là, bien présents, parfois stressés, parfois envahissants.

Et vous, vous vous sentez un peu démuni.

Pas parce que vous êtes incompétent.  

Mais parce que personne ne vous a vraiment appris à adapter votre posture et vos outils aux enfants. Et surtout, à la relation triangulaire que cela implique avec les parents.

Et c’est là, souvent, que se glisse l’erreur.

L’erreur, c’est de penser que les enfants sont “comme les adultes, mais en plus petits”.

Alors on applique les mêmes techniques, en les simplifiant.  

On parle un peu plus doucement. On ajoute une image de licorne ou de dragon.  

On propose un “voyage” dans un monde magique… mais sans vraiment écouter si l’enfant, lui, a envie de voyager.

On veut bien faire. On fait comme on a appris.

Mais on oublie que les enfants n’ont pas les mêmes codes. Pas la même manière de vivre un symptôme. Pas la même manière d’entrer en relation. Et surtout, pas la même autonomie dans la démarche thérapeutique.

Alors on se retrouve avec un enfant qui regarde autour de lui sans rien dire. Un parent qui questionne et attend des “résultats”. Et vous, au milieu, qui tentez de rattraper ce qui vous échappe.

L’hypnose éricksonienne avec les enfants, ce n’est pas juste une question de métaphores.

C’est un art subtil, qui demande d’affiner votre posture à chaque instant.

C’est savoir capter un regard, un geste, un mot.

C’est être capable de construire une séance entière à partir d’une peluche, d’un dessin ou d’une phrase lancée en l’air.

C’est savoir que si l’enfant ne “ferme pas les yeux” quand vous commencez l’induction, ce n’est pas grave. Parce que vous n’avez peut-être pas besoin d’induction formelle.

Vous avez besoin de relation. De jeu. De confiance.

Et ça, ça ne se fait pas en déroulant un script. Ça se construit en écoutant. En accueillant. En créant un espace dans lequel l’enfant sent qu’il peut exister, sans se faire recadrer toutes les cinq minutes.

Alors, à quoi ressemble une séance qui fonctionne ?

Souvent, elle ne ressemble à rien de ce que vous aviez prévu.

Un petit garçon de 6 ans arrive. Sa maman explique qu’il a des “crises de colère incontrôlables”. Il ne veut plus aller à l’école. Elle ne sait plus quoi faire.

Je l’écoute, bien sûr. Mais pendant qu’elle parle, je garde un œil sur son fils. Il attrape un petit personnage posé sur l’étagère et commence à le faire voler. Je le rejoins, doucement. Je lui demande comment il s’appelle.

“C’est Zik, c’est un robot.”

Ok. Alors aujourd’hui, ce sera peut-être une séance avec Zik. Ce sera peut-être lui, le héros de l’histoire. Et c’est à travers lui que l’enfant me dira ce qu’il vit.

Et peut-être qu’on ne parlera jamais de colère. Pas frontalement.

Mais on parlera de ce que Zik ressent quand il est loin de sa planète. Quand il ne comprend pas les règles des humains. Quand il a envie d’exploser parce qu’on ne le comprend pas.

Et là, on y est.

Sans jamais avoir utilisé le mot “colère”, l’enfant est en train de la nommer, de la représenter, de lui donner une forme. Et donc, de commencer à la transformer.

C’est ça, la puissance de l’hypnose éricksonienne avec les enfants

C’est d’oser sortir du cadre.

De ne pas “faire de l’hypnose pour faire de l’hypnose”.  

Mais de vous laisser guider par l’enfant, son langage, ses codes, ses besoins.

Et pour cela, il faut désapprendre une partie de ce que vous avez appris.

Non, vous n’avez pas besoin d’attendre une catalepsie parfaite pour que la séance “fonctionne”.

Non, vous n’avez pas besoin que l’enfant ferme les yeux ou répète vos phrases.

Ce dont vous avez besoin, c’est de présence. D’écoute. Et d’un peu de créativité.

Sauf qu’il y a un autre piège

Celui de vouloir à tout prix “réussir la séance”.

De vous dire qu’il faut “résoudre le problème” en une fois. Que les parents attendent des résultats, vite. Que vous devez prouver que l’hypnose est efficace.

Alors vous vous mettez la pression. Vous essayez d’aller vite. D’atteindre un “objectif”.

Mais parfois, la seule chose à faire lors d’une première séance, c’est de créer du lien.

Un lien entre vous et l’enfant. Un lien entre vous et les parents. Un lien entre l’enfant et sa capacité à imaginer, à ressentir, à jouer.

Créer un cadre où il est possible d’exister autrement.

Et à partir de là, tout devient possible.

Alors comment éviter cette erreur ?

En vous rappelant ceci :

L’enfant n’est pas un petit adulte. Il est un monde à lui tout seul.

Il vit le symptôme dans son corps, dans ses rêves, dans ses jeux.  

Il ne met pas toujours de mots.  

Il ne répond pas toujours aux questions.  

Il ne “veut” pas toujours changer. Pas tout de suite.

Et c’est ok.

Votre rôle, ce n’est pas de faire “comme en formation”.  

C’est de faire avec ce qui est là. Avec lui. Avec ses parents. Avec vous.

Et surtout, d’avoir confiance dans le processus.

Parce qu’une séance peut sembler “ne rien avoir fait”… et pourtant, quelque chose s’est déplacé.

Un regard. Un geste. Une phrase. Une permission.

Et parfois, cela suffit à faire basculer le système.

En conclusion ?

L’erreur, ce n’est pas de ne pas savoir faire.

L’erreur, c’est de croire que vous devez tout savoir faire tout de suite.

L’accompagnement des enfants est un terrain exigeant. Mais c’est aussi un espace d’une richesse infinie pour qui sait l’aborder avec humilité, curiosité et respect.

Alors si vous doutez, si vous tâtonnez, si vous avez l’impression que ce que vous avez appris ne suffit pas : vous êtes exactement à la bonne place.

C’est le début d’une autre manière de pratiquer. Plus vivante. Plus libre. Et surtout, plus adaptée à ceux que vous accompagnez.

Et vous, qu’est-ce qui vous a le plus challengé dans vos premières séances avec les enfants ?

Cet article vous a plu ? Vous souhaitez découvrir d’autres techniques concrètes pour transformer vos séances avec les enfants ? Partagez en commentaire la plus grande difficulté que vous rencontrez avec les enfants dans vos accompagnements. Je vous donnerai des pistes personnalisées !

3 Comments

  1. Merci Isabelle pour ce partage mais j’ai l’impression que cela s’éloigne de plus en plus de l’hypnose…J’ai pratiqué et pratique encore parfois comme cela mais est ce vraiment de l’hypnose ? C’est de la thérapie surtout pour moi, avec une transe légère (voire très légère). et pour l’anecdote cela s’éloigne très loin de ce que faisait ERICKSON qui contrairement à ce qu’on croit ne travaillait pas vraiment sur de la transe légère.
    Je reçois pas mal d’enfants et d’ados au cabinet et de plus en plus je m’éloigne de ce modèle pour aller de plus en plus dans l’hypnose au contraire. Car effectivement les enfants sont différents des adultes et cela rend l’hypnose plus facile. Lorsque l’enfant est en transe somnambulique et qu’il voit réellement ce dont on parle, qu’il ressent vraiment les choses qu’il vit dans la métaphore, l’histoire, qu’on discute avec lui et qu’on l’aide à changer alors je trouve que les résultats suivent assez vite.

    1. Bonjour Nicolas,

      merci pour ce commentaire très juste! C’est vrai que ça parle plus de thérapie que d’hypnose tu as raison! Mais je crois qu’il y a souvent tellement de focus sur l’hypnose, la technique… qu’on oublie trop souvent le côté « outil » de l’hypnose qui, pour moi, devrait d’abord être au service d’un accompagnement thérapeutique plus global.

      Je crois qu’on peut peaufiner sa technique, la travailler, l’améliorer… mais que cela ne devrait pas prendre toute la place, la priorité étant d’abord, pour moi, la qualité de l’accompagnement, la capacité à s’adapter à l’enfant/l’ado. Quand on a ça et qu’on lâche le côté technique hypnotique, on a déjà l’essentiel.

      Mais je te remercie car peut-être que je mets moi-même un peu trop le focus parfois sur ce versant-là de l’accompagnement donc je vais réfléchir à un prochain article plus orienté « hypnose pure » :)

      1. Merci pour ta réponse. Cela alimente ma réflexion. Je comprends et partage ce que tu veux dire mais j’y mettrai un bémol : à trop glisser vers la thérapie, on risque de jouer au psychologue, au psychothérapeute et ce n’est pas notre métier. Nous n’en avons pas les compétences, ni les connaissances et il est important de ne pas se croire « psy » au risque de faire vraiment des bêtises. Trop de « charlatans-thérapeutes » font ainsi des bêtises…Et comme certain-e-s sont mal à l’aise avec l’hypnose et ces publics, ils finissent par ne plus avoir confiance, ne pas oser et glisser uniquement vers de la thérapie à 100% et je crois (croyance personnelle;) que ce n’est pas bien pour le client. Il faut assumer notre spécificité. Dans mon approche, l’hypnose n’est pas un outil (c’est une vision souvent portée par les psys, les personnels de santé), c’est un art en lui-même, une vraie discipline qui fait sens et se suffit à elle-même si tant est qu’on en maitrise suffisamment les aspects techniques, épistémologiques et philosophiques…

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